maternage et management

Maternage et Management: les liaisons dangereuses!?

Considérer ses collaborateurs comme ses enfants… Est-ce dangereux?

J’aurai aussi pu parler des risques à paterner son équipe mais vous aurez compris que j’ai été séduite par le jeu de mots…

Lors de mon entretien professionnel, le Maire a ces mots:

J’ai été particulièrement surprise lorsque le Maire m’annonce en entretien individuel que ce qui a fait du bien aux équipes pendant mon congé de maternité est le caractère maternant de la DGA qui m’a remplacée.

« Sonnya, vous n’êtes pas assez maternante ! »

J’entends aussitôt: « Sonnya, vous n’êtes pas assez maternante! » Cette phrase résonne en moi comme une sentence. Et la première réponse intérieure qui me vient est « Merci » ou « Tant mieux ». Pas certaine que ce soit ce que le Maire attende…

J’identifie alors que j’ai une forte croyance selon laquelle: Materner son équipe est une bien mauvaise posture de manager!

Le maternage, ou étymologiquement parlant « action de materner », représente l’ensemble des pratiques et des soins visant à s’occuper d’un enfant à la manière d’une mère, en étant aussi proche que possible de son bébé.

Ces fondements théoriques reposent sur la théorie de l’attachement (1960), élaborée par John Bowlby, psychiatre et psychanalyste anglais. Selon lui, l’attachement est l’un des besoins primaires du jeune enfant, comme dormir ou manger. Ce n’est que lorsque ses besoins de proximité sont satisfaits qu’il peut s’éloigner de la personne qui le protège, pour explorer le monde.

Jusque là, je suis plutôt conforter dans l’idée qu’il n’est vraiment pas adéquat de materner son équipe!

J’en suis d’autant convaincue que par ailleurs, je materne mes enfants et fais bien une différence fondamentale entre les deux.

Mes collaborateur.rice.s ne sont pas des/mes enfants!

Comme écrit plus haut, le maternage des enfants a vocation à ne durer qu’un temps. La fonction de maternage nourrit l’objectif de fortifier les bases de la construction de la confiance en soi. Elle consolide la sécurité affective de l’enfant. Tout ceci pour que ce dernier puisse se détacher de la mère et devenir autonome. Alors la fonction maternante s’estompe au profit d’une fonction d’accompagnement.

C’est sans doute la raison pour laquelle je ne vois pas comment il me serait possible de materner mes équipes à la Mairie.

Pour autant je ne veux pas négliger les mots du Maire.

Les collaborateur.rice.s ont besoin de douceur.

Dans nos contextes de travail qui sont de plus en plus instables et chahutés, je comprends que les collaborateurs attendent de leur manager de la sécurité. Comment donner le meilleur de soi lorsque l’on n’a pas de visibilité sur la pérennité du travail engagé? Mais de là à y mettre de la douceur affective?

«Les sociétés doivent prendre conscience qu’elles ont une mission politique, qui est de créer un milieu social plus doux»

Emmanuel Jaffelin

Intellectuellement, je suis d’accord avec l’idée – mais en pratique, qu’est ce que c’est un management doux? La frontière avec le mater-management est ténue. Je ne veux pas m’aventurer…

Les dangers du mater-management.

De mon point de vue, nos collaborateurs ne sont pas des enfants et encore moins les nôtres! J’ai beaucoup de mal avec toutes analogies qui commence par « les agents, c’est comme les enfants… ». En général, je n’écoute pas la suite car cette accroche est étrangère aux valeurs que je porte!

Les agents, c’est comme les enfants, ils:

  • Demandent à savoir qui commande,
  • Attendent que l’on pose un cadre,
  • Veulent de leur manager des réponses,
  • Ne supportent pas la langue de bois,
  • Détestent que l’on fasse des différences entre eux…

Tant que l’on assimile, par les mots, nos collaborateurs et nos enfants, le risque de se comporter comme un parent est accru.

Pourquoi se comporter en parent est dangereux? Tout simplement parceque l’on multiplie les risques de déresponsabiliser les membres de nos équipes qui, je le rappelle en passant, sont des adultes, tout comme nous!

Il est alors aisé d’instaurer par notre posture et notre comportement un lien d’autorité superflu.

Le PAE d’Eric Berne, ça vous parle?

Il s’agit des États du moi:

C’est LE concept de l’analyse transactionnelle. Pour Éric Berne, la structure de la personnalité se compose (quel que soit l’âge) de trois États du moi dont voici le modèle structural :

  • Parent (P) : qui conserve l’ensemble des pensées + sentiments + comportements de modèles parentaux et intégrés tels quels,
  • Adulte (A) : qui conserve l’ensemble des pensées + sentiments + comportements liés au «touché» de la réalité, ici et maintenant,
  • Enfant (E) : qui conserve l’ensemble des pensées + sentiments + comportements tels que la personne les a vécus dans son enfance.

Lier management et maternage revient à se comporter en Parent avec son équipe – ce qui automatiquement, selon les travaux d’Eric Berne, entraîne un comportement d’Enfant chez nos collaborateurs.

Cette vision est loin du lien d’inter-dépendance que j’ambitionne d’installer dans mes relations de travail.

Les Etats du moi d’Eric Berne – Je m’attèle à placer mes relations de travail dans un lien d’adulte à adulte. Les relations croisées Parent – Enfant sont trop éloignées de mon idéal de relation d’inter-dépendance dans le travail.

Non, je ne ferai pas de cakes pour mes équipes!

Le parent Nourricier réconforte et rassure! Nous y voilà! Pour certains managers, il nourrit aussi au sens littéral du terme. Combien parmi vous apporte régulièrement des gâteaux confectionnés avec amour la veille? Douceur à partager au moment du café avec toute l’équipe? Comment est perçue cette délicate attention?

Cela paraîtra peut être paradoxal mais j’apprécie trouver un cake aux kiwis sur la table de la salle de pause. Alors, qu’est ce qui me gêne tant à le faire moi-même?

Ce qui oblige le don c’est que le don oblige.

Tout en restant libres de faire, d’accepter et de rendre des dons, ou pas, nous savons cependant que si nous ne faisons pas de don, ou si nous n’acceptons pas les présents de l’autre, nous refusons de faire alliance avec lui. L’obligation du contre-don tient plutôt, quant à elle, au fait que nous demeurons “l’obligé” du donateur si nous ne lui rendons rien. 

Le paradoxe du don

Voici ce qui m’ennuie dans cette façon de faire. J’aurai alors la sensation d’entretenir un lien d’obligés. Encore un lien déresponsabilisant qui va contre mes principes. Entendons nous bien, je ne parle pas des viennoiseries apportées pour le plaisir de faire plaisir un matin sans raison ou de la tarte au citron pour fêter son anniversaire! Non, ce qui flirte avec des liaisons dangereuses c’est le caractère habituel de douceurs achetées ou confectionnées « maison »! Alors le risque de mater-management du parent nourricier s’accentue!

Comment apporter de la douceur dans mon management?

Pour autant, je dois entendre ces mots du Maire qui visent à améliorer ma posture de leader. Pour me respecter, je dois trouver des pratiques qui garantissent la relation d’adulte à adulte qui m’est chère! Mais est-ce possible?

Je ne confondrais pas douceur et candeur!

Il n’est pas anodin que je craigne de prendre l’un pour l’autre. Il y a 10 ans, la bienveillance n’était pas encore un terme à la mode et il m’a été parfois reproché de vivre dans le désormais fameux monde des bisounours. Naïve est sans doute le mot que j’avais le plus de mal à supporter.

Aussi, ai-je appris que la candeur n’avait pas sa place dans le monde du travail. Un peu de défiance semblant être un minimum requis. Pour autant, il ne faut pas que je jette le bébé avec l’eau du bain.

Si la gentillesse était la clef?

Un sourire, une attention et même des conseils… Au quotidien, les salariés sont de plus en plus attachés à tous ces petits actes sans attente de retour. Ce que les Anglo-Saxons résument très bien sous le terme de «kindness», qui n’a pas de réel équivalent en français. « Etre « gentil », c’est rendre service à quelqu’un qui vous le demande, indépendamment de ses fonctions ou de son statut. »

Emmanuel Jaffelin.
Manager ou comprendre le pouvoir de la gentillesse

Je trouve ce terme de « gentillesse » et l’attitude qui en découle, plus en adéquation avec ce en quoi je crois. Être plus souriante, attentionnée, je saurai faire.

Pour moi, cela passera par:

  1. Donner un vrai bonjour à chacun.e le matin avec un regard franc et sincère,
  2. Demander tout aussi sincèrement comment ça va? plutôt que mon habituelle injonction à répondre OUI « Tout va bien! hein? » J’exagère un peu pour l’exercice mais parfois je demande par politesse si tout va bien en espérant que la personne réponde oui car j’aurai bien peu de temps à lui consacrer dans le cas contraire...
  3. Sourire plus souvent,
  4. Ajouter de la douceur à ma qualité d’écoute.

Le plus drôle est que je connais ce point faible chez moi depuis plusieurs années. Trône même sur mon bureau le livre intitulé « Le pouvoir des gentils. » Une vraie invitation à la douceur avec sa couverture recouverte d’une adorable fourrure d’ours en peluche! Il est sans doute temps que je le lise!

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Je suis très heureuse d’avoir chercher comment comprendre une piste d’amélioration tendue par le Maire lors de mon entretien professionnel. Et ceci même si rationnellement, il me semblait q’il s’agissait d’un choix conscient de ma part de ne pas aller vers du maternage.

Être gentils ne veut pas dire lâcher le cadre.

Dans le même temps, j’ai demandé à chacun des membres du CODIR, ce qui leur avait manqué pendant mon absence et, au contraire, ce qu’ils avaient apprécié ? L’un d’entre eux m’a répondu tout de go: Du Cadre! Il lui avait manqué du cadre pour notamment savoir et s’assurer du « Qui fait Quoi? »

Alors effectivement! Ah bien y réfléchir, le maternage des premiers mois d’un nouveau-né n’est accompagné d’aucun cadre. Co-dodo, portage et allaitement à la demande – le seul cadre est de satisfaire le besoin identifié de bébé. Materner une équipe sans cadre aura inévitablement la conséquence d’entraîner un manque.

Voilà mon objectif:

Conserver le cadre et ajouter de la gentillesse!

Et vous? Quels objectifs vous êtes-vous fixés pour améliorer votre posture managériale?

Bibliographie:

Eloge de la gentillesse en entreprise – Emmanuelle JAFFELIN

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12 thoughts on “Maternage et Management: les liaisons dangereuses!?

  1. Merci encore pour ce bel article Sonnya! Non, je suis d’accord avec toi les collaborateurs ne sont pas nos enfants et d’ailleurs l’analyse transactionnel rappelle bien les limites et revers du parents nourricier qui n’accorde pas ou peu d’autonomie à ses collaborateurs qu’il infantilise. Etre gentil, il n’y a que ça de vrai, cela marche partout et pour tout!

  2. Bonjour, j’ai la chance de travailler avec une responsable, qui est dans la gentillesse, et qui prend le temps de l’écoute. C’est vrai qu’on ne sent pas de poids supplémentaire, l’équipe sait qu’elle nous soutient, et, en même temps, on a plutôt tendance à donner le meilleur !

  3. Etre dans l’écoute, la vrai et maintenir le cadre en gardant l’objectif en ligne de mire, c’est ça pour moi un bon manager. J’en ai connu une seulen elle était peu charismatique mais très maternante dans le bon sens du terme.

    1. Cela m’intéresserait de savoir ce que tu appelles maternante dans le bon sens du terme. Merci pour ton commentaire

  4. Merci Sonnya pour ce partage.
    Comme toi, je ne pense pas qu’il soit efficace de prendre les collaborateurs pour des enfants. Je dis souvent : « vous avez embauché des personnes intelligentes, laissez leur prendre leur place ».
    Peut-être n’est-ce pas d’être maternante, mais juste plus « YIN » ? Dans l’idée d’offrir ta vulnérabilité et d’activer ton côté féminin dans ce rôle plutôt Yang ?
    J’ai écris pendant le confinement un article sur le « management bienveillant » pour sortir des difficultés générées par la crise COVID. Le lien ici : https://partagetonburnout.fr/le-management-bienveillant-pour-sortir-de-la-crise/ . Est-ce que ce terme te plairait mieux que « maternage » ?

  5. Bonjour et merci pour cet article fort intéressant. Ce n’est bien souvent que dans nos vies professionnelles et donc trop tard que l’on se penche sur l’analyse transactionnelle. L’origine de nombreux problèmes réside dans les rapports humains et l’émotionnel. Je vous rejoins sur le fait de ne pas devoir materner son équipe même si je réalise de plus en plus qu’être un bon manager c’est savoir s’adapter à chaque interlocuteur. Certains sont très autonomes, d’autres auront besoin d’un cadre strict.
    La gentillesse que vous évoquez au sens de la bienveillance sincère a toute sa place dans un management d’équipe. Aussi lors de situations conflictuelles, j’ai appris par exemple lorsqu’un reproche est formulé par un collaborateur lors d’une réunion, à ne pas automatiquement chercher à m’en défendre mais à l’accueillir et l’inviter à reformuler sa demande sous forme de souhait commençant par « je ». Ce faisant on renforce sa position hierarchique, on instaure la confiance et on aide son équipe à progresser. Bonne continuation!

    1. Yann, merci pour votre commentaire. Cet article m’a valu quelques déconvenues au sein de mon équipe; aussi lire des arguments dépassionnés m’aident aussi à prendre le recul nécessaire. Bien à vous,

  6. Merci pour ce partage professionnel. Cela résonne en moi, car par le passé, je réalise que j’ai commis de multiples erreurs en matière de management. En tant qu’entrepreneur ayant monté de nombreuses sociétés, on apprend sur le tas.

    L’analyse transactionnelle aide déjà à identifier le registre de l’individu ou le nôtre. Prendre conscience de cet état permet également d’identifier notre positionnement.

    Après m’être informé sur le sujet, je me suis rendu compte que j’étais dans le rôle de Parent nourricier… Pas l’idéal, mais à l’époque, et vu la taille de l’entreprise, cela pouvait passer (4 personnes).

    Par la suite, je me suis intéressé au management par les valeurs et à la construction d’une culture d’entreprise forte. Nous avions trouvé le Market Fit et nous étions près de 40 collaborateurs trois ans plus tard !

    J’ai encore eu des déconvenues, mais c’est seulement l’année dernière que j’ai découvert un ouvrage qui me semble essentiel pour déchiffrer les rapports humains : le livre de Marshall Rosenberg, « Non Violent Communication ». Essentiel, car nous disposons d’un outil simple à comprendre (mais qui demande une vie pour le maîtriser 🙂 ). Je ne sais pas pourquoi le web francophone et les coachs en communication ne parlent que du premier chapitre… Alors que la NVC ne fonctionne pleinement que si l’on intègre toutes ses parties, soit les 80% restants du livre.

    Je me suis également plongé dans l’œuvre de Dale Carnegie, « How to win friends and influence people », qui aide non seulement à mieux manager, mieux communiquer et mieux transmettre nos idées, mais aussi à identifier les comportements toxiques. On en apprend davantage sur la nature humaine, et c’est un sujet passionnant.

    À une époque, j’aurais réagi exactement comme toi.

    Aujourd’hui, dans ce processus, une réponse possible aurais été :
    Quand vous dites « maternante », je comprends « s’occuper des enfants » et j’entends « je suis trop dur ou injuste envers les salariés », ce qui me fait percevoir cette remarque négativement. Je souhaite m’améliorer et je ne comprends pas la vision que vous essayez de me transmettre. Que voulez-vous dire exactement par « je ne suis pas maternante » ?
    Définir un comportement par un mot-valise constitue une forme de communication violente ; cela enferme l’individu dans une catégorie et crée un terme sujet à interprétation des deux côtés. Pas l’idéal donc 🙂

    A tête reposé, c’est plus facile de réagir aussi.

    Heureux de voir que tu continues à partager ton expérience

    1. Merci beaucoup pour ce commentaire réfléchi, étayé et argumenté. J’aurai pu en effet utilisé la CNV. Quand à l’ouvrage de Carnegie, il trône sur ma table de chevet et je me suis plongée dedans pour prendre du recul à nouveau; Merci pour cette brillante idée.

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