leadership good enough

ARTICLE ⏐ Le leadership GOOD ENOUGH ou quand les dirigeant.es s’inspirent de Winnicott !

Et si assez bon était suffisant ? !

Dans le domaine de la psychanalyse, Donald W. Winnicott a introduit le concept de la « mère suffisamment bonne », soulignant l’importance d’une présence parentale qui, sans être parfaite, fournit suffisamment de soutien pour permettre le développement sain de l’enfant. Cette approche, centrée sur l’équilibre entre soutien et autonomie, trouve un écho surprenant dans le leadership organisationnel contemporain. À l’ère où les théories managériales évoluent vers plus d’humanité et de souplesse, la notion de « dirigeant good enough » émerge comme un parallèle intrigant.

Cet article vise à explorer comment les principes de Winnicott peuvent être transposés au leadership, offrant une perspective renouvelée sur la gestion des équipes et des organisations dans un contexte en constante mutation.

La théorie de la « mère suffisamment bonne » de WINNICOTT

Lorsque je suis devenue maman, j’ai eu la sensation oppressante et étouffante de n’avoir aucun droit à l’erreur. J’entends encore mon époux me dire « On n’a qu’une chance avec ce bébé; tout erreur est irrémédiable » Cette injonction à la perfection m’étouffait

Ou encore, ce regard désapprobateur des personnes qui vous entourent quand votre bébé pleure. Je lisais dans ce regard, mais quelle mauvais mère ! Elle est incapable de nourrir les besoins de son enfant, ou de le faire taire tout simplement.

C’était tout à fait douloureux pour moi. Heureusement, ma sœur qui est sage-femme, me répétait « good enough » Sonnya ! Tu dois être juste assez bonne et pas trop. Une façon de dire « n’oublies pas de faire des erreurs, c’est important pour la construction de ton enfant. »

Alors ? Que nous dit WINNICOTT ?


La théorie de la « mère suffisamment bonne » élaborée par Donald W. Winnicott, pédopsychiatre et psychanalyste britannique, demeure une pierre angulaire dans la compréhension du développement affectif de l’enfant. Cette théorie repose sur l’idée qu’une mère n’a pas besoin d’être parfaite pour élever un enfant sain et équilibré. Au contraire, c’est par l’acceptation des imperfections et la capacité à répondre de manière adaptée mais non exhaustive aux besoins de l’enfant que celui-ci développe une résilience et une capacité à faire face au monde réel.

Importance de l’acceptation des imperfections

Winnicott soutient que l’imperfection parentale joue un rôle crucial dans le développement de l’indépendance et de la créativité de l’enfant. En étant « suffisamment bonne », la mère permet à l’enfant d’expérimenter progressivement la frustration et d’apprendre à tolérer l’incertitude et l’insatisfaction. Cette approche favorise chez l’enfant le développement d’un vrai Self, capable d’initiative propre et d’une authentique expression de soi, contrairement à un Self qui serait constamment en attente de satisfaction immédiate et totale.

Comme je regrette de ne pas avoir réussi à être suffisamment bonne ! Aujourd’hui, je fais face parfois à des enfants (les miens en l’occurrence); qui ont du mal avec les notions de patience et qui sont dans une forme de tout ou rien. Cela m’épuise et me désespère parfois. Cela peut venir notamment du fait que j’anticipais trop leurs besoins et la satisfaction immédiate et totale de ceux-ci (Bébés élevés au sein, à la demande notamment).

Ma vraie vie à moi

L’acceptation des imperfections ne signifie pas négligence ou manque d’intérêt, mais plutôt une reconnaissance de la réalité et une adaptation aux besoins réels de l’enfant. Elle prépare l’enfant à naviguer dans un monde imparfait, l’aidant à développer une résilience émotionnelle et la capacité de gérer les déceptions et les échecs.

Impact sur le développement de l’individu

L’impact de la « mère suffisamment bonne » sur le développement de l’individu est profond. Premièrement, cela favorise un sentiment de sécurité chez l’enfant, sachant qu’il est aimé et accepté pour ce qu’il est, non pour ses performances ou sa perfection. Cette sécurité affective est la base sur laquelle l’enfant construit son estime de soi et sa confiance en soi.

Deuxièmement, en expérimentant la frustration dans un cadre sécurisant, l’enfant apprend à tolérer l’ambiguïté et l’incertitude, des compétences essentielles pour la navigation dans la complexité des relations humaines et les défis de la vie quotidienne.

Enfin, cette théorie met en lumière l’importance d’une relation basée sur la réceptivité et l’adaptation aux besoins de l’autre, plutôt que sur la satisfaction constante de demandes ou la réalisation d’un idéal de perfection. Elle souligne l’importance du processus d’individuation, permettant à l’enfant de développer une identité propre, distincte et autonome.

En résumé, la théorie de la « mère suffisamment bonne » de Winnicott soulève des considérations essentielles sur l’importance des interactions humaines authentiques et imparfaites dans le développement de l’individu. Elle enseigne que c’est dans l’acceptation des imperfections, tant chez soi que chez les autres, que réside la clé d’une relation équilibrée et d’un développement personnel harmonieux.

Et quel lien avec le leadership ? !

Parallèle avec le leadership organisationnel

La transition du concept de la « mère suffisamment bonne » de Winnicott vers le domaine du leadership organisationnel introduit l’idée d’un « dirigeant good enough ». Cette approche du leadership, bien que moins formellement définie que dans la psychanalyse, repose sur des principes similaires de flexibilité, d’acceptation des imperfections et d’un soutien adaptatif. Elle invite à une réflexion profonde sur les méthodes de gestion traditionnelles, souvent caractérisées par une recherche d’efficacité maximale, de contrôle et de perfection.

Définition du « dirigeant good enough »

Le « dirigeant good enough » se caractérise par sa capacité à équilibrer efficacement soutien et autonomie, reconnaissant que la perfection est un idéal inatteignable et potentiellement contre-productif. Ce leader sait que son rôle n’est pas de fournir toutes les réponses ou de microgérer son équipe, mais plutôt de créer un environnement où les membres peuvent apprendre, expérimenter et parfois échouer en toute sécurité. Ce faisant, il encourage le développement de la résilience, de la créativité et de l’initiative individuelle, reconnaissant l’importance de l’autonomie dans la motivation et la satisfaction professionnelle.

Comparaison avec les approches traditionnelles du management

Les approches traditionnelles du management ont souvent privilégié la structure, la prévisibilité et le contrôle, avec une forte hiérarchie et des processus bien définis. La performance et les résultats sont mesurés de manière quantitative, et les erreurs sont généralement perçues comme des échecs plutôt que des opportunités d’apprentissage. En contraste, le leadership « good enough » embrasse une philosophie plus souple, où l’erreur est vue comme une partie intégrante du processus de croissance.

Ce parallèle révèle plusieurs distinctions clés :

  • Approche aux erreurs : Contrairement au modèle traditionnel où l’erreur est souvent stigmatisée, le dirigeant « good enough » l’accepte comme un élément naturel du développement professionnel, offrant soutien et guidance pour apprendre de ces expériences. Pour aller plus loin, je vous invite à découvrir l’enquête : Assez bien, c’est déjà assez ! Et si le zéro défaut encourageait parfois un perfectionnisme stérile et démotivant ? Lisez au moins la suite en diagonale pour découvrir les mérites du « Good Enough Management ».
  • Flexibilité vs Rigidité : Alors que les approches traditionnelles tendent vers la rigidité dans les processus et la prise de décision, le leadership « good enough » valorise la flexibilité, permettant aux équipes d’adapter leurs approches aux défis uniques qu’elles rencontrent.
  • Autonomie des employés : Les méthodes de management traditionnelles peuvent limiter l’autonomie en favorisant la surveillance et le contrôle. En revanche, le leader « good enough » promeut l’autonomie, encourageant les employés à prendre des initiatives et à développer leur propre chemin vers les objectifs.
  • Rôle du leader : Dans un cadre traditionnel, le leader est souvent vu comme un superviseur et un décideur principal. Le dirigeant « good enough », cependant, se positionne comme un facilitateur et un mentor, guidant l’équipe à travers l’empowerment et le soutien plutôt que par le contrôle direct.

Le leadership Good Enough: un modèle adapté au monde professionnel moderne

Le leadership « good enough » propose ainsi un modèle alternatif qui reconnaît la complexité et l’imprévisibilité du monde professionnel moderne. En plaçant la confiance et l’autonomie au cœur de sa philosophie, ce style de leadership offre une voie prometteuse pour les organisations cherchant à naviguer dans un environnement en constante évolution, tout en favorisant le bien-être et le développement personnel de leurs employés.

Lorsque je veux schématiser la différence entre les rôles d’élus et de fonctionnaires j’aime à dire que les élus ont la responsabilité de répondre aux question « Quoi ? » et « Pourquoi? » quand les fonctionnaires répondent au « Comment? ». En même temps, attention, à ce que les cadres ne s’accaparent pas l’entièreté du comment ne laissant aux collaborateurs qu’une to do list à mettre en oeuvre sans ne faire appel ni à leur créativité ni à leur responsabilité. Sinon, il ne fait pas s’étonner d’avoir une équipe qui ne sait pas faire preuve d’initiatives…

Défis et limites du leadership « good enough »

Bien que cette approche présente de nombreux avantages pour le climat organisationnel et le développement des agents, elle comporte également des défis et des limites spécifiques qu’il est crucial de reconnaître et de gérer.

Équilibre entre souplesse et autorité

Un des défis majeurs du leadership « good enough » réside dans la nécessité de trouver le juste équilibre entre la souplesse nécessaire à l’autonomie des services et l’autorité requise pour maintenir l’ordre et la direction au sein de l’équipe. Trop de souplesse peut conduire à une perte de cohérence dans les objectifs de l’organisation, tandis qu’une autorité excessive peut étouffer l’initiative individuelle et la créativité. Le leader doit donc constamment ajuster son approche en fonction de la situation spécifique, des besoins de son équipe et des objectifs organisationnels, ce qui demande une grande capacité d’adaptation et une compréhension profonde des dynamiques humaines.

Risques de perceptions négatives

Un autre défi est lié à la perception que peuvent avoir les employés et les parties prenantes externes de ce style de leadership. En effet, dans certains contextes, un leadership perçu comme trop indulgent ou peu exigeant peut être interprété comme un manque de sérieux ou de compétence. Il est donc essentiel pour le leader « good enough » de communiquer clairement ses intentions et les principes qui sous-tendent son approche, afin d’éviter les malentendus et de renforcer la confiance dans sa capacité à guider l’équipe vers ses objectifs.

Je me souviens encore mes déconvenues lorsque l’un des Maires avec lequel j’ai travaillé me disait en tapant de la main sur mon bureau  » Sonnya, vous êtes la cheffe ! Il faut vous imposer ! » Ce n’était pas de la faiblesse ou un manque de courage pour moi mais plutôt la contre-partie du fait que je ne voyais pas du tout l’intérêt d’user d’autorité quand un autre comportement managériale me semblait plus adapté.

L’autorité au travail

Gestion de la diversité des besoins individuels

La prise en compte des besoins individuels et de l’autonomie des employés implique également une capacité à gérer la diversité au sein de l’équipe. Chaque membre peut réagir différemment à un même style de leadership, nécessitant une approche personnalisée qui peut s’avérer complexe à mettre en œuvre dans la pratique. Le leader doit être attentif aux signaux envoyés par ses employés et être prêt à ajuster son comportement pour répondre efficacement à leurs besoins spécifiques, tout en préservant l’alignement avec les objectifs globaux de l’organisation.

Une façon pour moi de calibrer mon style avec les agents, que j’encadre indirectement (N-2) ou qui sont sur un autre site, est de les recevoir individuellement pour le café de la DG, à tour de rôle. Nous disposons d’une 20 aine de minutes par mois pour chacun d’entre eux, et c’est un moment précieux qui me permet de mieux les connaître et donc de mieux m’adapter.

Les entretiens en one to one permettent de comprendre la diversité des besoins individuels des membres de nos équipes.

Pour aller plus loin, vous pouvez lire l’article intitulé : Leadership transformationnel, comment motiver et inspirer ses équipes !

Conclusion

Le leadership « good enough » offre une vision renouvelée et humanisée de la gestion des équipes, promouvant un environnement de travail où l’autonomie et le soutien coexistent harmonieusement. Cependant, la mise en œuvre de cette approche requiert une grande habileté dans la gestion des équilibres délicats et une communication efficace pour surmonter les défis et éviter les pièges potentiels. En reconnaissant et en adressant ces défis, les leaders peuvent véritablement incarner le principe du « good enough », favorisant ainsi le développement et l’épanouissement des individus au sein de leurs organisations.

Et pour vous ? Dîtes-moi en commentaires si « assez bon » c’est déjà suffisant ?
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